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Renaud Camus

Mag Magazine

mag 2

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ENTRETIEN [1982]

(Renaud Camus interviewé par Gérard Jean Pascal)

 

De nombreux textes ont été attribués à Renaud Camus. Autant il refuse la paternité : manière de se dégager du livre ou de mettre celui-ci en avant ? Toujours est-il que son nom reste associé à de nombreuses figures avec qui il partage une "autorité" qui tend à de dissoudre et qui a publié PASSAGE et TRAVERS (en collaboration avec Tony Duparc auteur de ECHANGE), premiers volumes des EGLOGUES, trilogie en quatre livres et sept volumes à paraître chez POL Hachette, et de TRICKS, BUENA VISTA PARK, et JOURNAL D'UN VOYAGE EN FRANCE.

Il habite un petit appartement au dernier étage d'un ancien immeuble de la rive gauche. Près de la porte d'entrée, une carte des sommets d'Auvergne et une paire de pinces à vélo. A l'intérieur, un bureau encombré de livres et de papiers (travail en cours ?), les volumes pastels des Belles-Lettres empilés à côté de la cheminée sous une photographie d'un détail du Colisée prise aux alentours des années 1850. A côté, un volume des photographies de Gilbert et George et, au fond de la pièce une rangée de disques dont le premier est "Prisones of Zenda" de Ronald Coleman. Au-dessus des disques, une photographie de l'auteur Tony Duparc ("Hair parted in the middle"). Près de la fenêtre un téléviseur où repose un numéro de la New York Review of Books du 25 septembre 80 avec Gore Vidal en couverture.

Une interview troublée par les bruits de la rue et un téléphone insistant. Une interview qui serait " A portrait of the artist as Renaud Camus" (oeil bleu, polo blanc, 501).

Gérard Jean Pascal : Ce que nous voulions savoir avant d'entrer dans le détail, c'était ce qu'il était devenu de Tony Duparc, Denis Duparc, Renaud Camus, Denis Duvert, Denise Camus et Denis Du Parc ? De tous ces gens dont nous avons entendu parler et dont nous attendions quelque chose ?

Renaud Camus : Mais ils travaillent, ils continuent. Il y a un livre écrit avec eux qui paraîtra en janvier et qui, d'ailleurs, était fini avant le "Journal d'un voyage en France", où il en est même question puisque j'en donne une lecture publique d'un des derniers chapitres. Le livre était fini avant "Le Voyage" et l'éditeur a décidé de le publier après.

_ Ce sont de véritables écrivains ?

Ce sont de véritables écrivains, oui, des personnages qui écrivent... et des personnes, mais un peu subtiles. J'ai du mal à les attraper : ils sont difficiles à joindre. Certains ont des problèmes de santé... je ne sais pas. Du côté de la schize un peu. En tout cas, ce sont de véritables personnages.

_ Avec "Travers" était annoncé toute une série d'ouvrages, "Les Eglogues", qu'en est-il de ce projet ?

Ce projet est tout de même, en ce qui me concerne, central et essentiel, le reste n'étant que des à-côtés. Le plan général de l'oeuvre, si je puis dire, est arrêté, mais quant à l'histoire, c'est vraiment une autre histoire.

_ Suite à "Travers", est-ce que la forme journal sera conservée ? C'est-à-dire ce plan général d'une semaine, ici à New York ?

Oui... non, à vrai dire, le journal était un élément essentiel dans "Travers", mais déjà il avait tendance à se diluer et il se dilue davantage dans les suivants. Mais il y a tout de même des subsistances de la forme journal.

_ Mais cette idée d'un "Journal d'un voyage en France" casse le projet des "Eglogues"...

Pourquoi "casse" ? Cela ne casse rien (rires). Les lecteurs des "Eglogues", manifestement, ne doivent pas s'attendre à des figures autoriales très constituées, très solides... Il y a un écrivain, disons Renaud Camus, qui produit une oeuvre, peut-être incohérente ou difficile à ranger sous une seule catégorie, enfin dont les livres ont peu de rapports les uns avec les autres, donc un auteur en ruines, éclaté, et d'autre part des personnages divers qui, au contraire, ont l'air de produire exactement la même chose. Ce sont les deux faces d'une même contradiction... Je crois que c'est assez cohérent dans son incohérence... Oui, on peut voir ça comme ça; un auteur qui produit des choses qui semblent sans relations de style, d'écriture ou de niveau littéraire les unes avec les autres et d'autre part des auteurs, au contraire avec des noms différents, qui produisent une oeuvre où leurs contributions qont indistinguables...

_ C'est très bien que nous en arrivons là, car nous voulons vous demander comment ont été écrits certains de vos livres ?

"Comment ont été écrits certains de mes livres" est le sous-titre d'un des volumes des "Eglogues". Il ne doit pas être écrit par moi, mais par Duparc qui est peut-être plus théoricien que je ne le suis. D'ailleurs je n'ai pas grand' chose à écrire sur ces choses-là, je crois qu'il faut se rapporter à ce qui est publié, ce qui est tout de même assez explicite sur ces questions, enfin qui parle lui-même de sa production ; qui est lui-même son propre commentaire.

_ Vous laissez aux lecteurs le soin de terminer l'ouvrage ?

Oui, absolument, je leur laisse le son de se l'approprier. Si l'on veut, je porte un regard sur la manière dont mes livres sont lus, mais ce n'est en aucun cas le regard d'un propriétaire ou d'un expert. Ce que peuvent en dire les lecteurs me paraît tout aussi légitime que ce que je peux en dire moi, et peut-être plus intéressant...

_ Un regard d'auteur mais sans pouvoir ? Sans autorité ?

Sans autorité, certainement, sans autorité.

_ Puisque nous parlons des lecteurs, envisagez-vous au moment où vous écrivez, vos lecteurs, à la manière dont Sainte-Beuve en écrivant ses "Lundis" imaginait telle ou telle comtesse sans son salon, en train de le lire. En fait il écrivait pour elles. Voilà : est-ce que vous écrivez "pou" ou est-ce que vous écrivez, "point" ? Ou "contre" ? (rires)

Je ne sais pas. "Contre", je ne le pense pas. J'avais tendance à dire pour des raisons stratégiques ou des raisons théoriques un peu anciennes, que j'écrivais, "point". Mais on peut dire aussi que j'écris "pour" dans la mesure où ce que je fais est destiné à un lecteur. J'ai toujours été agacé par les gens qui disent "j'écris pour moi", c'est une formule qui m'exaspère. Je ne vois pas pourquoi ils publient des livres s'ils écrivent pour eux. Je trouve que ce qui fait qu'une oeuvre existe, c'est qu'elle soit lue.

_ Avez-vous le sentiment de partager une sensibilité avec vos lecteurs ?

Peut-être mais je me demande si ce n'est pas une illusion, une illusion nécessaire quand on écrit, mais en fait un sentiment qui est constamment déçu.

_ Est-ce que vous avez du feed-back, vos lecteurs vous écrivent-ils par exemple ?

Oui, mais...

_Vous avez un fan club ? (rires)

Pas encore. (rires)

_ Alors il faut le fonder ! (rires)

J'ai quelques lettres de temps en temps, mais comme il est prévisible, pour parler en termes commerciaux, mon créneau est assez difficile à préciser, j'ai toujours des difficultés avec les lecteurs parce qu'ils ne s'intéressent pas à l'ensemble de ce que je fais, ou rarement. Je me souviens d'une catastrophique réunion de lecteurs dans une librairie de Bruxelles où le libraire avait eu l'idée de donner comme thème à la réunion, à la fois "Travers" et "Tricks". Ce qui fait que quand on parlait de "Tricks" les lecteurs de "Travers" étaient indignés ou rasés (rires) et vice versa. Il y avait vraiment une scission dans l'assemblée et il était vraiment très difficile de dire quoi que soit... ça me plaisait d'un point de vue théorique, mais c'était un mauvais moment à passer... Je n'ai pas de rapports personnels avec mes lecteurs, sauf donc quelques lettres de temps en temps. Donc je ne sais pas quelle peut être leur sensibilité, j'ai toujours le sentiment un peu mélancolique de ne pouvoir "séduire" (avec beaucoup de guillemets) que par une partie de ce que je fais. Par exemple, dans le "Journal d'un Voyage en France", il y a toute une partie qui pourrait plaire à un tas de vieilles dames de province qui partagent une sensibilité qui, à un certain niveau, est la mienne, lesquelles sont tout à fait indignées par d'autres aspects du libre. En même temps, il y a des lecteurs rescapé de "Tricks" qui sont horriblement ennuyés par tout l'aspect culturel, archaïsant, désuet, que je peux charrier dans ce livre. Mes lecteurs sont donc une entité très floue dans mon esprit.

_ Quelle idée vous faites-vous de ce que écrivez ? Pensez-vous laisser une trace, faire un leg ?

Certainement, quand on écrit, il doit bien y avoir un certain niveau de la psychologie de qui écrit, un désir de laisser une trace quelque part, ou d'arrêter le temps, ou de mettre de l'ordre dans la vie, dans sa vie. J'aime le concept de ce que serait l'inverse de la biographie, la "graphobie" (à ne pas confondre avec la graphophobie) : le fait d'écrire sa vie.

_ De l'écrire avant de la vivre ?

De la vivre comme une écriture. On parle toujours de l'influence de la vie sur le texte, et jamais du texte sur la vie. On peut voir la vie comme un texte, comme quelque chose qui se lit, qui s'agence : on peut avoir une conception textuelle de la vie.

_ Tout à fait. Et comment la vie se déverse-t-elle dans les livres, et surtout vice versa ?

En tout cas, et c'est une chose qui m'oppose à la plupart de mes contemporains, il y a des échanges considérables entre l'un et l'autre. J'ai peut-être un sentiment exagéré sue tout renvoie à tout. Je n'arrive pas à voir quoi que ce soit d'une façon pure. C'est très net dans "Le Journal". Je suis incapable de voir une ville, un château, un paysage, sans que se superposent entre  mes yeux et ce que je regarde un amas, un bric-à-brac culturel, ou d'ailleurs l'erreur a autant de place que la vérité. Je suis obsédé par la coïncidence, le retour, l'association.

_ Vous opérez à ces moments-là dans votre vie de la même manière que l'auteur opère dans son livre...

Excusez-moi (téléphone)

_ ... en structurant la réalité pour lui donner un sens ?

Auteur de ma vie ? Oui, là encore un auteur sans beaucoup d'autorité. il y a certainement des efforts pour ça. Peut-être parce que j'ai un sentiment particulièrement précaire de l'existence. Il est difficile d'aborder cela superficiellement, mais est-ce une peur de la mort, une peur de l'oubli... Mais oui, il y a une espèce de désir de mettre en ordre, qu'il reste ainsi trace d'une journée, d'une lumière, d'un sentiment ou d'un nom. Le seul moyen que j'aie trouvé c'est peut-être d'écrire littéralement, ou bien d'écrire la vie, de textualiser la vie en étant particulièrement sensible aux retours et aux coïncidences.

_ Ces renvois, ces coïncidences, donnent-ils plus de force à la vie ?

Plus de force, je ne sais pas. En tout cas ça à l'air peut-être d'une défense, d'une façon de gérer l'existence.

_ C'est un peu la rendre plus appréciable aussi ?

Certainement, la rendre plus appréciable, plus précieuse.

_ La rendre plus romanesque ?

Oui, plus romanesque (digression sur Oscar Wilde).

_ S'agit-il d'écrire sa vie au lieu de la vivre ?

Peut-être que oui ?

_ Ou être dans une position intermédiaire ? Entre les deux : de battre en brèche cette scission qu'on fait systématiquement depuis Barthes, ou même depuis Proust, entre la parole et l'écriture qui seraient deux mondes, deux côtés strictement incommunicables, sauf à faire un détour. Vous seriez juste à la barre de séparation...

Celle de "S/Z" ?

_ Vous seriez cette barre en étant ni S, ni Z. (rires)

Oui, oui, ça me séduirait, mais comme toujours, son contraire aussi bien, quoiqu'il soit difficile là, de concevoir un contraire... Mais enfin, ce que cette idée néglige me séduit aussi. On tombe toujours dans la même problématique : au fond je suis de plus en plus tenté de théoriser, d'une façon tout à fait cafouilleuse, comme je peux le faire, ce que j'appelle l'enclave : j'ai toujours le sentiment, au sujet de n'importe quelle position, quand elle est en train de prendre, que l'important, c'est de défendre l'inverse, ce qu'elle ignore, ce qu'elle refoule. Être dans tout discours, dans tout groupe, dans toute opinion, une enclave de ce qu'ils ne sont pas, de leur étranger. Je pense de plus en plus à une esthétique de l'enclave, et surtout une éthique. Tout à l'heure, vous vous étonniez que, mettant en cause le concept d'auteur, je sois tout de même un auteur, mais il y a paradoxalement des choses auxquelles je suis attaché dans le concept d'auteur envisagé historiquement.

_ C'est bien ce que nous disions.

Cette situation de pivot que vous proposez m'intimide un peu (rires), mais enfin, dans la mesure où la barre n'est pas droite... (rires)

_ C'est justement cette oscillation qui peut créer quelque chose... A propos du "Journal d'un voyage en France" que répondriez-vous si l'on vous reprochait certaines inexactitudes, un certain manque de réalisme ?

Je suis toujours un peu agacé par l'obsession, disons policière, de la vérité, telle qu'elle s'exerce. En particulier, justement ce qu'on peut dire sur les pays, les voyages, les régions. D'une part il y a le mythe selon lequel ne pourraient parler d'un pays que ceux qui y sont installé. Alors que la vision de ceux qui y passent seulement est tout aussi légitime, ne serait-ce que littérairement, ou esthétiquement. D'autre part... j'ai perdu ce que je voulais dire ! (rires). Non, voilà. Je veux dire : il n'y a pas de vérité intéressante... (téléphone)... Zut ! Pardon encore... Oui, je disais que la vérité n'est pas seule à être intéressante. L'erreur joue en voyage un rôle considérable qui s'inscrit tout à fait aussi bien dans la mémoire que la vérité ou la maîtrise. Je ne crois pas au réalisme des guides qui vous disent que les choses sont comme-ci ou comme-ça. Les choses ne sont pas vraiment comme ça. Je crois que le réalisme, tout simplement, c'est de tenir compte du regard, de la subjectivité, de la lumière du jour, des nuages ; qu'on ait bien ou mal dormi ; qu'on soit heureux ou malheureux ; qu'on attende quelqu'un ou personne... les guides me paraissent toujours parler d'un monde totalement imaginaire. Je trouve aussi que le réalisme ne porte jamais sur l'écriture même, et donc dans "Le Journal d'un voyage en France", effectivement, il y a un réalisme de l'écriture, puisqu'il est indiqué le temps que prend d'écrire telle page, les interruptions... téléphoniques ou autres qui interviennent au moment de l'écriture au sens matériel des choses. Mais quand je dis qu'il n'y a pas d'écriture dans ce livre, on me répondra alors que c'est un livre brut. Il y a toute une mythologie qui m'agace un peu du document quasiment brut, une espèce de mythe du naturel, du non retouché. Ce n'est pas ça non plus. C'est réaliste dans le sens où ça dit tout, ce qui est le principe de ce livre.

_ Si l'on devait hiérarchiser les choses ou les objets qui vous environnent, on donnerait comma valeur suprême le potentiel de désir que vous pouvez y attacher - de désir ou d'association...

Ce qui dans mon esprit est à peu près la même chose. Les deux sens de l'expression "ça ne me dit rien", pour moi se confondent. Le principe absolu de mon plaisir littéraire, ou de mon plaisir tout court est, ce que dans certaines langues un peu désuètes déjà, et pompeuses, on appelait la "durdétermination".

_ Oui, oui, c'est ça. "Que fasse des ronds dans l'eau et que ça en fasse le plus possible".

Oui, par exemple je suis incapable de voir un tableau sans penser à d'autres tableaux. Les visages me touchent parce qu'ils m'en rappellent d'autres, les noms par leur rimes, leur résonnance.

_ S'il fallait réduire votre travail, ce serait à cela, à cet enchâssement...

Oui, l'enchâssement, ou bien un mot que j'aime beaucoup, l'entrelacs...

_ L'enchevêtrement...

L'entrelacs, c'est un si joli mot (rires). Ou encore des passages, des échanges, des travers. Je m'intéresse peu à ce qui serait là, en soi. Je n'y crois pas.

_ E le thé ? Je crois que vous avez des positions arrêtées sur le thé. En voyage... (digressions sur les malheurs des buveurs de thé en voyage)

Eh bien, en ce moment je préfère le Lapsang Souchong.

_ Puisque nous parlons de futilités, nous pourrions continuer : quels sont les livres que vous emporteriez sur l'île déserte ?

Je pense que j'essayerais de tricher, que je prendrais les plus longs. J'ergoterais pour savoir si Shakespeare complet ça fait un seul livre. J'essayerais de tricher... Et "La Recherche", en tout cas.

_ Voulez-vous jouer au portrait chinois ?

Si j'étais ceci, qu'est-ce que je serais ?

_ Voilà. Alors, si vous étiez un écrivain ?

ça, je ne sais pas... C'est... Ah, au fond... (rires) Être Larbaud me paraît bien... En ce qui concerne ce jeu, je suis volontaire pour répondre à une question : si j'étais un morceau de musique, je voudrais être le Quintette avec Clarinette op. 115 de Brahms.

_ C'est bien, elle n'était pas posée. (rires)

J'y pense tout le temps quand j'entends cette oeuvre, je me dis quelle chose merveilleuse ce serait d'être ça.

_ Si vous étiez un sport ?

Si j'étais un sport ?... Bof, le tennis alors.

_ Un corps d'armée ?

Un corps d'armée ? Je ne sais pas... Un corps avec un joli nom. J'ai rencontré un hussard récemment, ça m'a beaucoup touché.

_ Très bien. Et un moment ?

(Il réfléchit) L'ultime fin de l'après-midi, en été.

_ Un endroit ?

(Sourire) Les jardins sur les remparts à Lucques.

_ Et un péché, capital ou non ?

(long silence) Je ne sais pas.

_ Et, enfin, une citation ?

C'est une chose qui varie tous les jours. Il y a tous les jours une citation, une phrase m'obsède. Ça change tout le temps. Le lendemain, si je me souviens de celle du jour précédent, je ne vois plus ce que je lui ai trouvé. Mais là, tout de suite, ce qui me vient à l'esprit, si on faisait un jeu d'automatisme, c'est "Enfance, mon amour, j'ai bien aimé le soir aussi..."

_ Puisque nous en sommes aux confidences, pourriez-vous nous donner un souvenir d'enfance ?

Je ne vois rien, comme ça. Il faudrait être plus spécifique. Je ne pense à aucun souvenir en particulier.

_ Aucun côté ? Rien ?

Si, j'en ai un tas... Je crois bien que mon premier souvenir d'enfance (mais ça je suis sûr de l'avoir écrit quelque part), c'est d'avoir été dans un berceau dans un jardin, et d'avoir vu - c'est très banal, je suis désolé - des nuages bouger. Mon premier souvenir d'enfance, ce sont des nuages qui passent.

_ C'est un joli souvenir... Maintenant, quelques questions dans le désordre...

Ah, comme c'est bien, j'adore les interviews. C'est très agréable. J'ai une grande difficulté d'échange, de conversation. Ça m'est très agréable qu'on me pose des questions... Oui... je n'ai aucun vouloir-dire ; un certain couloir-écrire mais aucun vouloir-dire. Et je n'ai jamais envie d'être volontaire pour dire quelques chose. Il faut qu'il y ait une demande. Le fait qu'on pose des questions. C'est vraiment très bien: on n'a pas le choix de ce qu'on va dire.

 

_ Que serait Le Livre ? avec un "L", comme celui de Mallarmé.

(long silence) Encore une fois, le plus vaste possible. S'il fallait qu'il y en ait qu'un, je m'arrangerais pour faire en sorte qu'il le soit tous. Et au fond, peut-être que "Les Églogues" suivent cafouillement ce dessein-là.

_ Et jusqu'à quel point la parole mange-t-elle l'écriture, jusqu'à quel point elle l'empêche, ou alors la stimule ?

Non, enfin la stimule, pas dans mon expérience ; la consume ou la consomme, oui, certainement. J'ai lu récemment des choses très bien dans Maurice de Guérin là-dessus. Il rentre dans sa chambre après un dîner, absolument désespéré et il écrit dans son journal : "comme un idiot, j'ai encore parlé de tous mes projets, de ce que je voulais écrire, et ça me paraît dérisoire". C'est une phrase qui m'a beaucoup touché. C'est un sentiment que je partage tout à fait. Il y a quelque chose de sacré dans l'écriture qui fait qu'on ne peut pas en parler. Ça la dévalue totalement d'en faire l'objet de conversations.

_ Pourtant ça ne semblerait pas être votre cas puisque chez vous la parole et l'écriture semblent intimement liées. Il n'y aurait pas de césure entre l'existence et la création.

J'aurais eu jadis une réponse qui m'aurait parue très bien, qui était : "j'écris parce que je n'ai rien à dire". Et puis, mon amie Danièle Sallenave a fait toutes sortes d'objections à cette formule (rires) et comme la plupart des objections qu'on me fait, elles m'ont parue tout à fait fondées. Cela dit, je reste tout de même attaché à cette phrase et certainement, j'écris parce que j'ai beaucoup de difficulté à parler. Je suis très incompétent dans les rapports sociaux. Et d'autre part, quand j'écris vraiment, quand je travaille, je suis passablement retiré du monde, j'allais dire "que je ne peux pas écrire en voyageant". Mais il faudrait expliciter le terme écrire qui est, ces années-ci, très ambigu et qui prête à des tas de malentendus. J'entendais écrire au sens plein du terme, c'est à dire au sens moderne du mot.

_ Qu'est-ce qu'il fait quand il n'écrit pas ? Et vice versa ?

Qui est "il" ? Quelle façon troublante... (rires)

_ ... C'était tout simplement la dernière question.

Attention, attention, ma raison est vacillante (rires)

_ Nous ne voudrions pas être responsable d'une schizophrénie subite.

Subite ne serait pas le mot en l'occurrence.

_ Que faites-vous quand vous n'écrivez pas ?

J'écoute de la musique. Je voyage autant que je peux. je vois mes amis. Je fais l'amour. Je lis, moins que je le souhaiterais. Justement écrire est peut-être contradictoire à la lecture. Toujours est-il que j'ai l'impression de lire très peu maintenant. En tout cas, je lisais beaucoup plus quand j'étais adolescent.

_ Merci.

Merci beaucoup.

Camus, R., Jean Pascal, G., (1982). Renaud Camus. Magazine n° 2, 21-23

mag 3/4

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17.379 SIGNES [1982]

(Texte de Renaud Camus)

gèrement éloigné sur ces hauteurs qu’il croyait tranquilles. Mais une attaque imprévue, de phalangistes probablement, l’empêche de regagner son camp : des coups de feu crépitent dans la vallée qui l’en sépare. Il est assis, toujours vêtu du seul pantalon de son survêtement de jogging, sur une grosse pierre au bord du chemin. Un tressaillement de buissons le prévient trop tard. Déjà sept soldats l’entourent, leurs mitraillettes braquées sur lui. Néanmoins ils reconnaissent rapidement son appartenance, que confirment son for accent suédois et son extrême blondeur, et ils sont seulement curieux de savoir ce qu’il fait là.

Eux aussi ont dû être surpris par l’attaque venue du plateau car, semble-t-il, c’est très précipitamment qu’ils ont passé leurs uniformes. Sans doute, isolés dans quelque avant-poste, loin de leurs officiers, étaient-ils étendus à peu près nus sur leurs lits de camp lorsque le bruit des combats les a forcés à une tournée d’inspection improvisée. Les vareuses de leurs treillis sont à peine boutonnées. L’un d’entre eux, le plus petit, est même torse nu, à l’exception d’une épaisse cartouchière qui lui barre la poitrine en diagonale et qui, pour Swenn, évoque quelque cinématographique révolution mexicaine. Pourtant les hommes qui l’entourent lui paraissent aussi libanais de type qu’on peut l’imaginer, exactement conformes à l’image qu’il a toujours entretenue de ce peuple. Tous les sept ont la peau mate et foncée, et leurs cheveux courts très noirs, comme leurs yeux. Tous portent des moustaches épaisses et fournies. Leurs treillis mal ajustés et leurs manches retroussées laissent voir qu’ils sont tous extrêmement poilus. Celui qui est torse nu, par exemple, à la poitrine et le ventre, et les avant-bras jusqu’à la face externe des mains et aux doigts, couverts d’une épaisse toison noire, faite de longs poils soyeux et lisses, et qui d’ailleurs ne s’interrompt pas, mais ne fait que diminuer de densité, vers le milieu du cou, car d’évidence il ne s’est pas rasé depuis trois ou quatre jours, non plus que ses camarades.

- Vous êtes du commando spécial ?

- Ouais, à quoi tu vois ça ?

- Oh, c’est facile, vous êtes tous vachement musclés, on sent l’exercice.

- Remarque, on n’est pas aussi musclés que toi. J’savais pas qu’i vous f’saient travailler comme ça, à la Finul…

- Oh, c’est pas de l’entraînement militaire, ça. C’est personnel. J’fais de l’athlétisme, de la compétition. De toutes façons, vous êtes au moins aussi musclés que moi, seulement ça se voit moins, à cause de tous ces poils que vous avez tous.

Senn passe la main sur le torse d’un des soldats qui l’entourent :

- Regardez-moi ça, il en a tellement on voit même plus mes doigts… Mais ses pectoraux sont au moins aussi développés que les miens et durs comme du fer…

- C’t’en France qu’i nos ont fait faire un tas d’exercices. On a fait un stage de commando, chez les paras, dans les Landes. C’est pour ça qu’on parle bien français.

Celui qui donne ces explications est le plus petits des soldats, celui de la cartouchière. Lui n’es pas les yeux noirs mais verts, et même étonnamment clairs. Son pantalon de combat, dont les poches doivent être très chargées, ne tient que très bas sur ses haches et seul le bouton supérieur de sa braguette est boutonné. Malgré l’extrême abondance des poils sur son ventre, on peut distinguer nettement le quadrillage rigoureux et très saillant qu’y dessinent des muscles ronds et durs. Il s’appelle Nemer.

D’évidence, Swenn ne peut pas regagner son camp. Les sept lui proposent de venir attendre une accalmi dans leur abri et point d’observation. Ils ont là une vingtaine de camarades, détachés comme eux en avant-poste par l’armée et, disent-ils, qu’on a laissés plutôt tranquilles ces derniers temps.

La maison-mirador est une baraque de planches. Deux sentinelles en uniforme montent la garde auprès d’elle, mais, à l’intérieur, la discipline militaire paraît très relâchée. Etendus sur leur lit de camp, tous les soldats sont torse nu, certains portent leur pantalon militaire, d’autres sont complétement nus. Comme Swenn est un peu surpris par cet état de choses, Nemer lui explique qu’ils n’ont avec eux, comme officier, qu’un jeune sous-lieutenant très compréhensif, et qu’il fait une chaleur torride sous ce toit de tôle au sommet d’une montagne nue, où d’ailleurs, personne ne peut les voir. Si Swenn lui-même à trop chaud, il ne doit pas hésiter à enlever le pantalon de son survêtement.

Tout le monde est très intéressé par le nouveau venu, que les sept introducteurs présentent comme un grand champion d’athlétisme. Mais quelqu’un est sceptique : c’est une espèce de colosse, complétement nu, épais mais très solide, bardé d’énormes muscles recouverts, sur le dos tout autant que sur le torse, sur les épaules, les bras entiers, les cuisses, les fesses, d’un pelage dense et noir que la sueur fait briller.

- Ah ouais, et qu’est-ce qui prouve qu’il est si fortiche que ça ?

- Vien le voir, Bachir, tu verras ce qui le prouve. Tu nous fais une démonstration, Swenn ?

- Oh, vous savez, j’fais surtout des haltères, y en a pas ici. De toutes façons, en ce moment, au camp, je fais seulement de l’entraînement, sur le dos.

- Tu soulèves combien ?

- Ça dépend du nombre de fois. Soixante, soixante-dix kilos.

- Tenez, il a qu’à nous montrer avec ça.

Bachir rassemble quatre rails de fer qui devaient servir à l’installation d’un canon de mortier. Un autre soldat les attaches en paquet à l’aide de deux cordes.

- Combien de fois tu peux soulever ça ?

- Oh, j’sais pas, vingt fois peut-être.

- Oh, il déconne complétement. Je parie n’importe quoi qu’il arrive pas à le soulever quinze fois.

- Qu’est-ce que tu en penses, Swenn ?

- Quinze fois ? Si, je crois que je peux, pas de problème.

- Vous me faites rigoler. Même moi, pour soulever ça quinze fois, il faudrait que je fasse un petit effort.

- Non sérieusement, je crois que je peux.

- Bon d’accord, qu’il essaie, mais s’il y arrive pas i m’fait une pipe vot’champion.

Swenn proteste, mais il voit bien qu’il a tout intérêt à se livrer à la démonstration qu’on demande de lui, s’il veut se ménager les bonnes dispositions de ses nouveaux amis. Il s’étend à terre sur une paillasse. La trentaine d’homme du petit campement se presse autour de lui. Bachir se tient les jambes écartées et les bras croisés, à ses pieds, tandis que le petit Nemer, le torse toujours cent de sa cartouchière, et qui semble se considérer comme son défenseur attitré, est debout près de son épaule gauche.

Effectivement, la botte de rails est plus lourde que Swenn l’avait imaginé. Même la première fois, il a des difficultés à la soulever. La deuxième et la troisième fois, la montée s’opère plus aisément. Mais à la cinquième, l’effort est de nouveau marqué. La durée s’accroît entre chaque levée. La neuvième semble devoir échouer et réussit in extremis.

- Il y arrivera jamais, dit Bachir. Elle est bonne, ma pipe. Même ma queu le sait : regardez, elle commence à bander.

Et c’est vrai. Son sexe est comme lui, massif, épais, volumineux et lourd. Il se soulève lentement sur d’énormes couilles rondes et velues.

- Regardez les gars, j’y touche même pas, elle monte comme une reine. Elle sait bien que ce mec peut pas soulever ça quinze fois.

Swenn soulève cependant la charge une dixième fois. Son corps ruisselle de sueur. Bachir s’approche de lui, une jambe de chaque côté des siennes. Maintenant il se branle.

- Il faut qu’il voie ce qui l’attend, vot’copain. Il doit faire ça très bien, d’ailleurs, tout mignon tout blond comme il est, j’suis sûr qu’il aime ça les belles bites de par ici.

Peut-être sous l’effet de la provocation, Swenn soulève le poids une onzième fois, avec plus de facilité dirait-on. Mais on voit bien qu’il en est à ses dernières énergies musculaires.

Bachir est tout à fait bandé. Son sexe déjà très épais au repos s’est davantage allongé qu’épaissi et pointe lourdement devant lui. Bachir agite le bassin pour que sa verge se balance au-dessus du corps allongé de Swenn.

- Ma queue, elle sait qu’elle va l’avoir, sa pipe, elle est vachement contente. Putain, elle pourrait déjà cracher sur ce joli p’tit corps d’athlète de mes deux. Pi c’est pas la seule, je vois.

En effet, parmi les soldats qui se serrent autour de Swenn, plusieurs bandent très visiblement. C’est le cas de Nemer. Mais lui n’a pas touché à son sexe, qui est toujours dans son pantalon. D’autres caressent le leur sous la toile, ou bien l’ont sorti. Ceux qui étaient complétement nus se branlent.

Swenn parvient à réunir encore assez de force pour tenter de soulever une douzième fois son fardeau. Mais l’ascension est plus lente et plus tremblée que toutes les précédentes. Néanmoins, et contrairement à ce qui paraissait assuré, elle arrive à son terme.

- Ouais ! crient en chœur les soldats. Ils sont au comble de l’excitation, et cela très littéralement, dans un cas au moins, celui du plus jeune d’entre eux probablement. Il doit avoir à peu près dix-huit ans. Il est torse nu. Sa moustache noire est très mince. Son torse est à peu près glabre, sauf vers le bas des pectoraux, qui sont ronds et très saillants comme ses biceps, et entre eux. Lui, au moment précis où Swenn est parvenu à tenir encore une fois sa charge à bout de bras, et quand ont jailli des applaudissements, a lâché son foutre, qui vient gicler en deux, puis trois, puis quatre abondantes traînées épaisses et blanches sur le corps allongé, lisse et bronzé du Suédois. Une dernière goutte, après une accalmie de plusieurs secondes qu’on avait crue définitive, vient tomber précisément sur la pointe s’un sein, aux acclamations et aux rires du groupe.

- Bien visé !

- Elle est pour toi, Hamid, celle-là ! Allez, vas-y, mon vieux, c’est du foutre d’Elias, y a longtemps qu’t’en avais envie, non ?

On pousse en avant un grand garçon un peu maigre, au nez aquilin, qui peut avoir une trentaine d’années. Une énorme moustache descend en oblique de chaque côté de sa bouche, jusqu’aux maxillaires, et de longs poils noirs dévorent sont corps, en couches épaisses sur ses cuisses puissantes, son ventre plat, sa poitrine où chaque mouvement des bras fait jouer des muscles allongés, bien séparés, nerveux.

- Eh, Swenn, laisse-lui te lécher le sein, il est amoureux d’Elias, c’est sa seule chance d’avoir un peu de son foutre.

Trois des hommes tiennent les bras d’Hamid noués derrière ses reins et le forcent à s’agenouiller à côté de Swenn. Ils lui poussent la tête en avant. Il prétend se débattre et résister, mais il rit. Et lorsque sa bouche est moins d’un centimètre de la pointe très saillante, arrondie, du sein gauche de Swenn, il tend la langue et lèche la goutte blanche du sperme d’Elias.

A vrai dire Swenn rit aussi.

- Comment voulez-vous que j’y arrive dans ces conditions ?

- Surtout en bandant comme ça, dit quelqu’un, ça distrait.

- Il bande ?

- Ouais, regardez.

- C’est vrai ! C’est vrai !

Ils lui arrachent le pantalon de son survêtement. Il ne porte rien en dessous. Son sexe, complètement bandé en effet, pointe en décrivant un léger arc de cercle vers son nombril, qu’il atteint d’ailleurs largement. Lui ne renonce pas tout-à-fait pour autant à ses efforts gymnastiques. Il concentre ses forces pour une treizième levée. Et à la surprise générale, il parvient à l’effectuer. Mais, complétement épuisé, il laisse retomber pesamment son fardeau.

Bachir juge son heure venue et s’approche encore davantage, ses pieds à mi-hauteur maintenant des cuisses de Swenn. Il s’amuse à agiter son sexe formidable au-dessus du ventre du Suédois. Celui-ci pourtant n’a pas abandonné son pari. Il tente de s’assurer sur le paquet de rails une prise meilleure. Chaque essai fait jouer sur son torse, ses épaules, ses bras, des muscles surtendus, luisants de sueur. Les mâchoires serrées, il commence une quatorzième levée. Mais elle n’arrive même pas à la moitié de sa course. La botte de rails retombe. Bachir pousse un cri de triomphe et s’agenouille sur le torse de Swenn. Il lui saisit la tête des deux mains, à la nuque, et veut le contraindre à approcher sa bouche de son sexe à lui, qui bute à plusieurs reprises contre le menton du Suédois. Swenn proteste. Les hommes enlèvent la charge improvisée. Swenn en profite pour se dégager d’entre les cuisses de Bachir, mais celui-ci le force d’une seule main à s’étendre devant lui, cette fois-ci sur le ventre. Nemer est furieux.

- Bouffe-lui le cul, à ton chéri, puisque tu l’aimes tant, dit Bachir, qui délègue vers Nemer un homme très semblable à lui-même, un peu moins grand et lourd, mais plus hirsute encore et qui est son frère. Ce Rachid contraint le petit Nemer, qui se débat de toutes ses forces, à enfouir son visage entre les fesses rondes et rebondies de Swenn allongé sur le ventre, jambes écartées, le haut du corps soulevé sur ses avant-bras et que Bachir oblige à lui sucer le sexe. Mais les contraintes diverses ont tôt fait de devenir inutiles. Lassitude ou plaisir, Swenn, les mâchoires démesurément écartées, accueille jusqu’au fond de la gorge le sexe colossal du géant, tandis que la bouche de Nemer s’affaire entre les fesses su Suédois, qu’il tient écartées des deux mains et où il dépose une abondante quantité de salive.

Swenn soudain, d’un mouvement imprévu, se retourne, enlace Nemer qui ne semble nullement surpris, le fait glisser contre lui et l’embrasse fougueusement sur la bouche. Il lui arrache sa cartouchière et commence à lui enlever son pantalon, que finissent de retirer les hommes les plus proches. Le cul de Nemer, depuis le creux de des reins, montre un fouillis tumultueux de longs poils noir emmêlés. Les deux corps, serrés l’un contre l’autre autant qu’il est possible, roulent à plusieurs reprises dans les deux sens. Lorsqu’ils s’arrêtent, Swenn est étendu sur Nemer, ses avant-bras sous le torse du soldat aux yeux verts, tandis que son cul baigné de sueur et de salive est tout à fait dégagé. Bachir, toujours agenouillé, y met la main, son pouce et son index épousant exactement la courbe de la fente. Mais du groupe de soldats spectateurs se détache un homme qui diffère d’eux singulièrement. Lui aussi est très musclé, lui aussi est extrêmement poilu ; cependant ses cheveux, son épaisse moustache, les poils de ses joues et ceux de son corps ne sont pas noirs, mais blond foncé, et tout à fait dorés sur ses avant-bras. Son allure et ses yeux, qui sont verts comme ceux de Nemer, sont plus graves que ceux de ses camarades, et gestes plus rares. Il s’appelle Krim. Son sexe bandé, très droit, quoique très lourd, pointe étonnamment haut. Il crache dans ses mains et il enduit son gland de sa salive. Un genou entre les cuisses emmêlées de Nemer et de Swenn. Puis son sexe, guidé par la main de Bachir, cherche un passage entre les fesses du Suédois, qui tourne la tête un instant. Swenn creuse les reins pour faciliter à la verge de Krim l’accès à son cul, et ce faisant il détache sa bouche de celle de Nemer. Ses lèvres descendent le long du torse du soldat qui est toujours allongé sur lui. La langue du Suédois joue parmi les poils de la poitrine de Nemer, et se fixe un moment à la pointe du sein gauche, que ses dents serrent légèrement. Elle rejoint là le gland colossal su sexe de Bachir, que celui-ci, de la main, tient pointé vers le bas tandis que ses couilles pèsent sur le visage de Nemer. La verge de Krim est entrée toute entière dans le cul de Swenn, qui a étouffé un cri de douleur en serrant plus fort dans sa bouche le sein droit de Nemer. Krim, des deux mains, malaxe les pectoraux durs et moites de Swenn. Les soldats se sont encore rapprochés. Tous se branlent. Trois d’entre eux, dont, une nouvelle fois, le jeune Elias qu’Hamid, debout derrière lui, tente d’enculer, jouissent en même temps. Leur foutre s’écrase sur le dos musculeux de Swenn, où Krim l’étale d’une main. Swenn remonte les genoux, non sans mal et malgré la résistance de Krim, qui pèse sur lui, ne comprenant pas ce qu’il veut faire. Il veut, accroupi au-dessus du corps allongé de Nemer, introduire dans son cul le sexe de ce dernier, sans en chasser pourtant celui de Krim. Avec difficulté il y parvient. Les verges des deux Libanais aux yeux verts sont donc serrées conjointement entre les fesses moites du Suédois qui, presque redressé maintenant, lèche les poils du torse gigantesque de Bachir, dont, des deux mains, il rend chaque masse énorme et dure plus saillante encore. Le visage de Nemer est entre les fesses du géant renversé en arrière, et que son frère

Camus, R., (1982). 17379 signes. Magazine n° 3/4

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