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Le journal

Le journal: Catégorie
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Journal de Travers (1976-1977) (deux volumes)

Avec cet énorme Journal de Travers, en deux volumes, le désormais fameux journal de Renaud Camus repart de trente ans en arrière. En effet ces pages, antérieures à toute l'oeuvre autobiographique de Camus publiée jusqu'à ce jour, et même à Tricks et au Journal d'un voyage en France, qu'elles évoquent assez étroitement, couvrent avec un grand souci (déçu) d'exhaustivité les quatre saisons d'une année entière, du 20 mars 1976 au 19 mars 1977.
Elles n'étaient pas destinées directement à la publication, mais à servir de dépôt, de répertoire, de réserve de situations, de personnages et de mots, de noms, de « signifiants », comme on disait couramment alors, à la grande entreprise camusienne des Églogues, et particulièrement à la série des romans intitulés Travers, dont le troisième volume, L'Amour l'Automne, paraît aux éditions P.O.L en même temps que ce journal.
N'ayant eu d'autre souci que de tout noter d'une plume égale, Camus présente en ces deux volumes, peut-être sans l'avoir voulu, le tableau le plus candide qui soit, non seulement de sa vie personnelle, de ses amours heureuses et malheureuses, de ses activités sexuelles plutôt intenses, de son travail, mais aussi des dernières années avant le sida, à Paris, à New York, à Milan, au sein d'une société où le narrateur impassible (pas toujours) passe sans transition d'Andy Warhol au Toilet (haut lieu d'orgies homosexuelles de Manhattan), des vapeurs des saunas parisiens à Roland Barthes, d'Aragon à de retentissantes scènes de ménage, de temples doriques en la lumière arcadienne à des salles obscures (très obscures) de Lombardie.
Ces scènes prises sur le vif avec une crudité paisible rarement égalée, même par Camus lui-même, sertissent des annotations «techniques» de toute époque, certaines tout à fait récentes, placées ici entre crochets et en petites capitales, et destinées au travail « églogal » éternellement en cours : associations d'esprit et de termes, anagrammes, allusions littéraires, cinématographiques, artistiques, historiques, philosophiques de toute sorte. La course perpétuelle entre les phrases et la vie, au sein de cet intense « atelier d'écriture», donne lieu d'autre part à de curieux décrochements, emboîtements, retournements des causes et des effets, qui sont certainement une des sources essentielles de beaucoup des ouvrages ultérieurs de l'auteur.

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Journal d'un Voyage en France (1980)

La plupart des livres de voyage, les guides surtout, dans leur prétention à l'objectivité, dépeignent un monde largement imaginaire. Pourtant, si comme le veut Amiel « les paysages sont des états d'âme », nos impressions d'eux, et des villes, et des monuments, varient avec le temps, la lumière, notre humeur, notre point d'observation, mille associations légères qui ne sont qu'à nous. Aussi n'y aurait-il de réalisme que dans la subjectivité. Renaud Camus voyageur s'abandonne à la sienne. Elle est chargée, surtout quand elle a comme ici la France pour terrain, d'une culture ancienne, complexe, un peu floue ou maniaquement précise soudain, “bourgeoise” sans doute et certainement condamnée. Il l'écoute en lui, avec autant de tendresse que d'ironie ; lui parle de poètes oubliés, de jardins abandonnés, de petits théâtres fermés dans des sous-préfectures, d'histoires de famille ou d'amour adolescentes. Le désir le mène. Sexuel il le porte plutôt, comme le savent les lecteurs de Tricks, vers les garçons : les épisodes s'ensuivant sont relatés dans ces pages sans détours mais sans provocation aucune, tranquillement, du ton dont on décrit le silence de la nuit à Semur-en-Auxois, un coucher de soleil sur les montages de l'Ardèche, la Toilette de Bazille au musée de Montpellier, les vallées des Corbières, si vertes entre leurs hautes collines rocheuses, le printemps au faîte de sa splendeur en Gascogne. Il se pourrait bien, d'ailleurs, que l'émotion soit la même.

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Première édition

Journal romain (1985-1986)

Journal intime ? Pas tout à fait, puisque d’emblée promis à la publication, à la publication presque immédiate, même, sous forme de chronique hebdomadaire dans un magazine : c’était le Journal achrien, « gay » certes, mais « culturel » aussi bien, curieux de peinture, de musique, de littérature, d’art en général et de vie quotidienne, ne s’interdisant aucun sujet ; il ne fut guère accueilli que deux ou trois mois parmi les pages de Gai Pied.
Candidat d’autre part à ce qui fut jadis le Prix de Rome, l’auteur s’était engagé, devant le jury de l’Académie de France, à tenir en Italie la chronique de ce qu’il y verrait. Pensionnaire à la villa Médicis, il s’acquitte de cette dette, au-delà peut-être de ce qu’on attendait de lui.
Si la loi du genre c’est la diversité, le mélange, le caprice, cette double origine, tout accidentelle, suffirait à placer ce journal-ci au cœur de la pleine tradition, c’est-à-dire la moins pure, et la plus libre, de ce type d’écrit, qu’illustrait déjà le Journal d’un voyage en France. Mais bien d’autres éléments viennent secouer le cours du temps et donc le livre : la passion de voir, l’humeur plus ou moins bonne, le désir, la mélancolie, l’érudition, plus maniaque que sourcilleuse, Rome, ses palais, ses musées, ses églises, ses jardins, les baroques engouements de l’esprit, les classiques déceptions de la chair (ou l’inverse). L’intime par ces fenêtres, a tôt fait de se réintroduire jusqu’à pouvoir paraître indécent. Mais la décence ni l’obscène ne sont une affaire de gestes. Le véritable objet de la pudeur, ce n’est pas la chose, c’est la personne.

Vigiles 1987
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Vigiles (1987)

« L’une de mes aïeules, s’il faut en croire telle rustique parabole de la tradition familiale, reprochait à son époux de reprendre, à table, du pain pour finir son fromage, puis du fromage pour finir son pain ; et, j’en ai peur, ainsi de suite. Vigiles mène à son terme, septembre 1987, la relation quotidienne de ce séjour à la Villa Médicis dont avait rendu compte, jusqu’à la fin de 1986, et non sans un maniaque scrupule d’exhaustivité, déjà, le précédent Journal Romain ; puis cette tâche accomplie, le présent volume en profite pour suivre à son tour l’année vers sa clôture. Après quoi, c’est à craindre, il n’y a plus vraiment de raison de s’arrêter...
La graphomanie s’affiche ici pour ce qu’elle est, entreprise échevelée d’écriture de la vie. Et le “journal”, lorsqu’il prend ces proportions déraisonnables, se désigne sans l’avoir voulu comme le genre et le lieu par excellence de cet échange entre tous délectable, des heures avec les mots, des ciels avec les points et les virgules, des plaisirs avec les guillemets, des mélancolies même avec les paragraphes. La fenêtre, la montre, la phrase : unique syntaxe d’être. Le diariste éperdu ponctue directement la matière même des jours. Qu’il y ait une allégresse à cette perversion comme à toutes, c’est bien la moindre des choses ; elles coûtent asez cher ! S’écrire tout entier, c’est jouir au plus près d’une fusion, fébrilement fabriquée sous l’instance indifférente de la langue, entre l’individu, fût-il isolé comme personne, et tout ce que ses yeux, ses attentes, ses nerfs, ses colères, ses désirs, ses passions, son absence même et ses insomnies, sont capables d’offrir à sa littérale dispersion : tableaux, adagios, actualités, jardins, Siciles et voluptés ; autres récits, autres prunelles, autres vigiles.
Vous avez déjà lu ce livre ; c’était pendant que je l’écrivais. Vous vous y retrouverez certainement, quoiqu’il y soit peu question de vous : car il n’est pas possible que votre regard, par dessus mon épaule, n’ait pas laissé de trace entre les lignes. »

Aguets 1988
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Aguets (1988)

« Cette fois nous n’avons plus le prétexte de Rome, de l’Italie, du voyage, du spectacle du monde : el viajo que narro es... autour de ma chambre, comme dit Carlos Argentino Daneri, l’admirable et ridicule poète, “Second Prix National de Littérature”, que Borges met cruellement en scène dans son Aleph. Et les “aguets” dont il est ici question sont bien souvent déçus, fatalement. Peuvent-ils offrir autre chose, dès lors, qu’une “décevante” lecture ?
Pertinente inquiétude, certes, si je puis me permettre. “Tandis que, d’un autre côté...”, comme dit cette fois Laforgue, qu’en serait-il, je vous prie, d’une lecture qui ne serait pas “décevante” ? La littérature – nous n’y prétendons pas tout à fait, “mais tout de même” – la littérature ne commence-t-elle pas à la phrase qui ne fait pas absolument son travail, qui ne dit pas exactement ce qu’on s’attendrait à ce qu’elle dît, qui ne donne pas ce qu’on a payé pour qu’elle nous fasse entendre ? Et le comble de la forme “journal”, d’autre part, son essence, sa fin, son fin des fins, ne serait-ce pas de montrer un homme qui tiendrait avec une si maniaque assiduité son journal qu’il ne pourrait plus avoir d’autre activité journalière que celle-là, puisqu’elle lui prendrait tout son temps ? J’écris que j’écris Aguets, voilà quoi. Si notre scribe avait une existence palpitante, au contraire, s’il faisait tous les matins la révolution, l’après-midi la guerre, le soir l’amour et la nuit la critique de la Raison pure, non sans déjeuner entre temps avec Gorbatchev, goûter avec le prétendant au trône de Moldavie pour finalement dîner avec Arielle Dombasle, ou Marie-France Garaud, voire Bertrand Poirot-Delpech, ou l’inverse, je ne sais plus, il se ferait la part trop belle, à mon avis, et ce ne serait plus de jeu, vraiment. Ici rien de tel, rassurez-vous. Rien dans les mains, rien dans les poches (encore que...).
Lisez Aguets, je ne saurais trop vous le conseiller : on s’y tient les côtes de bout en bout. C’est un bloc de pur glamour. Et l’on reste pantois de voir l’univers entier avec ses plages, ses bars, ses basiliques, ses cuisines, ses critiques littéraires, ses tragédies et ses beaux promenoirs, tenir à l’aise dans une si mince plaquette. »

Fendre l'air 1989
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Fendre l'air (1989)

Sans doute, les Journaux de Renaud Camus participent-ils d’une entreprise échevelée d’écriture de la vie et, de fait, la vie passe dans ces pages... Ils sont, en tout cas, le lieu du délectable échange des heures avec les mots, des ciels avec les points et les virgules, des plaisirs avec les guillemets, des mélancolies-mêmes avec les paragraphes. S’écrire ainsi tout entier, c’est jouir au plus près d’une fusion, fébrilement fabriquée sous l’instance complice de la langue, entre l’individu et tout ce que ses yeux, ses attentes, ses nerfs, ses colères, ses désirs, ses passions sont capables d’offrir à sa vigilance : tableaux, adagios, actualités, jardins, Bosnies et voluptés.

L'esprit des terrasses 1990
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L'Esprit des terrasses (1990)

Les journaux de Renaud Camus participent d’une entreprise échevelée d’écriture de la vie. Ils sont le lieu privilégié du délectable échange des heures avec les mots, des ciels avec les points et les virgules, des plaisirs avec les guillemets, des mélancolies même avec les paragraphes. Sans doute, s’écrire ainsi tout entier, jour et nuit, est-ce jouir au plus près d’une fusion fébrilement fabriquée sous l’instance complice de la langue, entre l’individu et tout ce que ses yeux, ses attentes, ses nerfs, ses colères, ses désirs, ses passions sont capables d’offrir à sa vigilance : le monde, le monde entier.

La Guerre de Transylvanie 1991
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La Guerre de Transylvanie (1991)

Comme à l’accoutumée, ce nouveau tome du journal de Renaud Camus nous fait partager de nouveaux émois, de nouvelles colères, d’autres lumières et d’autres visages, des corps et des gestes, des musiques et des silences. D’autres, les mêmes pourtant, sans cesse changés et repris. Circule ici, comme toujours et comme jamais cette « avidité d’être qui fait les heures toujours trop courtes, les jours trop rapides, les semaines trop peu nombreuses, le monde trop vaste pour la curiosité que j’ai de lui. […] C’est une course avec la mort, et elle la gagnera fatalement. Mais c’est une course qui l’oblige à courir un peu, elle aussi, au lieu d’attendre paisiblement que d’ennui je tombe entre ses bras. »

Le Château de Seix 1992
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Le Château de Seix (1992)

Dans le présent volume du journal de Renaud Camus, nous suivrons le diariste dans ses tribulations immobilières (vente et achat), son établissement dans le Gers au désormais fameux château de Plieux, et ses voyages (Italie, Espagne). Nous nous fâcherons avec lui de l’état des mœurs, du peu de considération dans laquelle est tenu l’art, et nous nous indignerons des mauvaises manières de nos contemporains. Nous connaîtrons tout de ses mésaventures éditoriales. Mais nous nous exalterons à la vision de telle perspective, à la douceur de telle lumière, au souvenir de tel moment, à celui de telle œuvre. Et nous constaterons, comme lui, que, face au temps qui ne cesse de couler et de nous emporter, cette entreprise du journal est le seul rempart possible.

Graal-Plieux 1993
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Graal-Plieux (1993)

De l’exposition du peintre Jean-Paul Marcheschi qui donne son titre à ce volume du journal (1993) de Renaud Camus, il est peu question. Aussi bien est-il dans la nature du Graal de se dérober sans cesse à la consistance, à l’emprise et d’abord à la définition. C’est en quoi il ressemble à nos vies. Du moins voit-on du pays, le temps qu’on court après lui. Ce journal est, en ce sens, une manière de course heureuse et grave.

La Campagne de France 1994 avant propos
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La Campagne de France (1994)

Ce volume est le neuvième de ses journaux annuels, inaugurés avec Journal romain. La série s'inscrit elle-même dans l'ensemble des "chroniques autobiographiques" de Camus, ouvert dès la fin des années soixante-dix avec Tricks et Journal d'un voyage en France (1980).
Ce volume, bien qu'il prenne rang dans une suite déjà longue, marque incontestablement une étape. Un degré nouveau est franchi dans le dépouillement de soi, dans la franchise souvent cruelle de l'autoportrait à travers le temps, dans l'abandon des prudences personnelles, des précautions sociales et des pudeurs d'opinion. La série des journaux a toujours été pour Renaud Camus une sorte de "laboratoire central" d'où sortent tous ses autres ouvrages. Cette année 1994 a été particulièrement féconde en ce sens, car c'est de la crise qui s'y manifeste que sont issus des livres tels que P.A. et Vaisseaux brûlés, le gigantesque chantier littéraire de Renaud Camus sur Internet.
Ce qu'on voit naître dans La Campagne de France, et dont on peut suivre jour après jour le processus d'élaboration, c'est justement la décision de l'écrivain de brûler tous ses vaisseaux. Aucun retour possible. Le grand feu dure encore..

La Salle des Pierres 1995
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La Salle des Pierres (1995)

La salle des Pierres était une des pièces réalisées par Jannis Kounellis pour son exposition au château de Plieux, durant l'été de 1995. Elle donne son nom au journal de Renaud Camus pour cette année-là, qui vit également l'installation à Plieux de la salle des Vents, oeuvre de Jean-Paul Marcheschi, dédiée à la mémoire de son ami Maurice Wermès.
Ce même été 1995 Renaud Camus est au Brésil, à Rio, en compagnie d'Alain et Catherine Robbe-Grillet, à l'occasion d'une grande exposition consacrée à Roland Barthes et à son oeuvre plastique. Un peu plus tard il parcourt l'Aubrac et les Cévennes, afin de reconnaître les lieux pour ce qui deviendra Le Département de la Lozère (P.O.L, 1996). En octobre, dans la Beinekke Library de l'Université Yale, aux États-Unis, il lit les premiers paragraphes de P.A. (P.O.L, 1997) : ce sont les infinies arborescences cybernétiques de cet ouvrage qui peu après constitueront Vaisseaux brûlés (www.perso.wanadoo.fr/renaud.camus), le gigantesque work in progress dont un premier "retour sur papier", Ne lisez pas ce livre ! (P.O.L 2000) - extension du seul premier paragraphe de P.A. - est publié en même temps que cette Salle des Pierres.

Les Nuits de l'âme 1996
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Les Nuits de l'âme (1996)

Pendant l'année 1996, que couvre ce volume-ci de son journal, Renaud Camus organise à Lectoure un festival, Les Nuits de l'âme, consacré à la musique contemporaine, à la musique ancienne et aux "musiques du monde". Le château de Plieux, dans le même temps, est le cadre d'une grande exposition des peintures et sculptures tardives de Miro. Il s'y tient aussi divers colloques, les Devisées de Plieux, sur le "thème du château" (chez Thérèse d'Avila, chez Sade, chez Kafka, etc.) ou bien autour de la question fameuse, reprise par Heidegger à Hölderin, Habiter en poète (?). Toutes occasions de recevoir et d'entendre des personnalités aussi diverses que Philippe Hersant, Kudsi Ergüner et ses musiciens soufi, Esther Lamandier, Daniel Mesguich, Danielle Sallenave, Robert Misrahi, Jacques Roubaud, Michel Deguy, etc
L'année très "culturelle", en somme, d'un personnage presque "public". Mais ce qui fait l'originalité de ce volume comme du journal de Renaud Camus en général, c'est que le "public" s'y trouve à tout moment subverti par l'intime, par une méditation d'une étonnante candeur sur l'amour, sur le temps, la solitude ou le paysage ; sur les voies et moyens plus ou moins efficaces, plus ou moins triviaux d'être là, un peu là... (et beaucoup ailleurs).

Derniers Jours 1997
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Derniers Jours (1997)

Les activités d'"animateur culturel" tiennent une grande place dans la vie de Renaud Camus cette année-là. Il s'en acquitte avec plus ou moins de bonheur, parmi les habituels ennuis d'argent, les plaisirs et les mélancolies, les exaspérations et les emportements d'amour pour un ciel, un corps, une phrase, un chemin. Ce journal en est le récit.

Hommage au Carré 1998
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Hommage au Carré (1998)

Un défilé de personnages familiers - ou moins - des lecteurs du Journal de Renaud Camus, toujours autour d'un axe pictural, cette fois l'oeuvre du peintre Josef Albers qui fera l'objet au printemps d'une grande exposition au Centre Georges-Pompidou.

Retour à Canossa 1999
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Retour à Canossa (1999)

Samedi 27 février, trois heures de l'après-midi. Il porte un parfum nommé Scorpio.
« Je vais m'acheter un flacon de Scorpio, lui dis-je. Comme ça je n'aurai plus besoin de vous. »
Mais lui, impitoyable : « ça ne marche que mélangé à ma peau. »
Et en effet.
Il a un beau pull-over blanc qu'il me prête, et que j'adore.
Il dit qu'il va me le donner. Moi : « Mais je ne veux pas que vous me le donniez. C'est votre odeur que j'aime en lui. Prêtez-le moi de temps en temps. - Si, si, prenez-le, je vous le donne. Vous n'aurez qu'à me le repasser quelquefois, je le rechargerai... »
Effectivement il me l'a laissé. Hélas, après la semaine qu'il a passée ici, le pull-over sent surtout le chien.
J'ai acheté un flacon de Scorpio. Rien à faire.

K. 310
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K. 310 (2000)

« Il faut bien le savoir, on ne peut pas mener contre la presse une guerre médiatique. S’y essaie-t-on, on se trouve à peu près dans la situation d’une armée qui n’aurait d’autres munitions que celles que l’ennemi lui envoie pour donner l’illusion qu’il y a une vraie guerre, à la loyale. Il serait trop peu dire que l’adversaire a le choix des armes : il en dispose seul. Il dispose seul du choix du terrain, il dispose seul du choix du moment. Il dispose entièrement de vous. Vous n’êtes qu’une marionnette entre ses mains, qu’il revêt du costume ou de l’uniforme de son choix, et qu’il agite un peu de temps en temps, pour donner au public l’illusion que son pouvoir n’est pas absolu. »
« Tout livre doit hurler à son lecteur : ne compte pour me connaître que sur toi. Ne me juge qu’avec tes propres yeux, et ton propre esprit. Cherche-moi par toi-même et cherche par toi-même les livres qui me suivront, comme ceux qui m’ont précédé. Ne m’oublie pas. N’oublie pas que je ne vis que par toi, et que tout est fait pour nous séparer. Ne compte pas sur le journalisme pour te parler de moi. À mon sujet, ne fais confiance ni à son silence, ni à sa parole. Souviens-toi que nous sommes en guerre, lui et moi. Souviens-toi que nous sommes en guerre. Souviens-toi qu’il occupe entièrement le pays. Ne m’oublie pas. N’oublie pas mes frères. Souviens-toi que nous serons de plus en plus difficiles à trouver, selon toute vraisemblance – de moins en moins visibles, de plus en plus entourés de silence. Souviens-toi que nous prenons le maquis, eux et moi, et que nous retournons à la nuit, dont nous ne sommes sortis qu’un moment, deux ou trois siècles. »

K. 310 est le journal de Renaud Camus pour l’année 2000, celle de l’« affaire Camus » qui fit couler tant d’encre. Au milieu de cette campagne violente, l’andante cantabile de la sonate Köchel 310 de Mozart était la seule musique dont son oreille s’accommodât.

Sommeil de personne 2001
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Sommeil de personne (2001)

Vendredi 20 avril.
(...) Quant à la tombe de Rilke, elle est creusée un peu à l?écart de la plupart des autres, contre le mur de l?église, du côté de la vallée, du parapet de la terrasse et du vide. On y voit gravés ces trois vers : Rose, oh reiner Widerspruch Lust / Niemandes Schlaf zu sein unter soviel / Lidern ? Rose, ô pure contradiction de n?être, sous tant de paupières, le sommeil de personne.
Ou bien Personne ? Quoi qu?il en soit, dans ce sommeil-là nous n?en finissons pas d?errer comme des ombres ? la preuve. Celan lui-même a bien dû nous y précéder, ne serait-ce que pour un adieu ; et pour cueillir au bord de ce caveau, est-ce qu?on ne le jurerait pas, sa Niemandsrose ?

Gelobt seist du, Niemand.

Dir zulieb wollen

Wir blühn.

Béni sois-tu, Personne ! Au demeurant, toute cette éminence est exquise, entre les tombes ; et d?autant plus bucolique que le regard, du côté de la montagne, peut gagner directement les alpages et le rocher, leur solitude, leur rudesse, leur éloignement altier du cours des choses.

Outrepas 2002
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Outrepas (2002)

Dimanche 21 juillet midi.
(...) ll faut un peu plus de temps, dites-vous. Mais il y a trente ans et plus que vous répétez cela, avec vos amis les Amis du Désastre. Et depuis le temps les choses n'ont pas l'air de s'arranger, malgré les assurances florides et solidement argumentées de vos experts organiques, sociologues de cour et présidents d'associations subventionnées, futurs députés et ministres, carriéristes de (antiracisme. Au contraire, elles vont plutôt de mal en pis.
Le pays a perdu tout prestige avec tout caractère, sa littérature ni son art n'intéressent plus personne, l'Éducation nationale est une garderie qui ne sait même pas garder, la violence croît, les H communautés » se tapent dessus et s'envoient au diable, tout le monde se méfie de tout le monde, nous vivons tous barricadés et sommes chaque soir endoctrinés avec méthode dans (imbécillité festive et dans (aveuglement militant. La langue, elle, est de plus en plus arthritique, de plus en plus paresseuse, de plus en plus récalcitrante au détour syntaxique, c'est-à-dire à la médiation, à (altérité de (autre et du sens, à la sortie de soi pour y revenir changé : comme si elle aussi elle avait reçu pour mission tacite de ne pas voir et surtout de ne pas dire, malgré son vacarme gâteux. Et pourquoi sortirait-on de soi, puisque ailleurs est de plus en plus pareil, pareil au même a Il n'y a plus d'ailleurs, personne n'est étranger, pas même nous.
(...) Tenons pour acquis qu'il ne se passe rien, même si c'est encore un peu prématuré. Dans la mesure où ce serait acquis, et cette fois définitivement, il y aurait là quelque chose d'assez satisfaisant pour l'esprit, pour l'« âme », pour la volonté : un socle offert à ce qui me reste à vivre. Sans doute n'est-ce pas celui que j'eusse préféré et choisi, mais je devrais pouvoir m'accommoder de lui. Pas de public, pas d'écoute, aucune «réception», comme on dit drôlement (et en effet, tu parles d'une fête !) : non seulement il n'y faut plus penser, mais - contrepartie autrement positive - on est libre de ne plus y penser. Outrepas.

Rannoch Moor 2003
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Rannoch Moor (2003)

Rannoch Moor est la plus solitaire des landes du Royaume-Uni, au centre de l'Écosse. C?est à elle que le journal de Renaud Camus pour l'année 2003 emprunte son titre. Autant dire que, pour l'auteur, la Grande-Bretagne et le voyage qu'il y fait tiennent une grande place dans cette année particulière et lui donnent beaucoup de sa couleur. Non seulement sont évoqués successivement villes, sites, maisons d'artistes ou jardins, parfois fameux et souvent peu connus - Rye, Sissinghurst, Bateman's, Oxford, Bleinheim, Hardwick, Chatsworth, Fountains Abbey, Haworth, Shandy Hall, Abbotsford, Édimbourg, Cawdor, Skye, les Îles d'Été, Rannoch Moor, Perth, le loch Ericht, le loch Clair, Moniaive, Drumlanrich, Wells, Bath, Glastonbury ou Rodmell -, mais défilent des figures aussi différentes que celles de Beckford, Kipling, Henry James, Virginia Woolf, Elgar, Bax, Flora MacDonald, CharlesÉdouard Stuart, Robert Adam, Robert Lorimer ou Charles Rennie Mackintosh. Le journal est aussi une lecture de Hobbes, de Sterne ou d'Anthony Trollope.
D'autres titres envisagés pour ce volume évoquaient pour leur part, comme toujours chez Renaud Camus, des paysages de France (L'Étang de la mer Rouge, L'Année du bois), la peinture (Les Bergers de Chatsworth), des figures ou des épisodes oubliés de l'histoire (La Reine d'hiver, Le Monument de Grant, Seringapatam captured by storm), les déconvenues de la vie littéraire ou éditoriale ( Pilon sur retours client, Le Retour des vendus), les petits soucis de l?existence quotidienne et leurs éventuels origines ou prolongements idéologiques (Weitzmann et le crémaster, Eribon dans la mémoire vive), les hasards et les épiphanies du voyage (La Chambre de Bax, Vues splendides sur les Îles d'Été, Un Soir à Moniaive, Retour à Perth, Retour à Shepton Mallet), quand ce n?est pas une méditation sémiologique, à partir de Tristram Shandy, de Tocqueville ou d'étymologies grecques, sur le signe et la représentation (Mémoire vive, Touat-Zywiec, Namur dans le jardin, L'Idée du caporal Trim, Inscriptions sur des tombes, Politique de l'infra-signe, Prolégomènes glossogoniques, Faire la phrase, etc.).

Corée l'absente 2004
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Corée l'absente (2004)

Avec Corée l’absente, la publication des journaux de Renaud Camus reprend son cours habituel, interrompue par la remontée de trente ans en arrière qu’a représentée la mise au jour du Journal de Travers, qui concernait les années 1976 et 1977.
Nous sommes cette fois beaucoup plus près de nous, en 2004. Pour l’auteur, l’année est spécialement marquée par une invitation officielle en Corée, où il va prononcer plusieurs conférences ; et il en profite, avec son ami Pierre, pour explorer le pays jusqu’en ses recoins les plus reculés, à bord d’une voiture de location. Il a en tête de façon obsessionnelle un fragment d’un vers familier d’Yves Bonnefoy, « Et je pense à Coré l’absente », devenu abusivement dans sa rêverie Corée l’absente ; et cela d’autant plus que la Corée la plus coréenne lui semble devoir être la plus absente d’elle-même, la moins significative, la moins spéciale, la plus ordinaire et pense-t-il la plus transparente, celle qui se refuse le mieux et qui partant est la mieux là. Aussi les deux voyageurs s’ingénient-ils à se perdre et à se diriger toujours vers le point de l’espace qui se donne le moins de mal pour les tirer par la manche.
Ainsi la Corée succède-t-elle à l’Écosse de Rannoch Moor, mais l’expérience est très différente, car il s’agit cette fois d’une contrée dont l’auteur ne sait presque rien et où il n’est pas mené par un désir ancien et préalable, mais par le seul hasard d’une invitation or c’est justement ce hasard et la jouissance de cette étrangèreté (pour reprendre le titre du petit livre de conversation de Camus avec Alain Finkielkraut et Emmanuel Carrère) qui font tout le prix et toute l’intensité de cette errance au sein du — presque — inintelligible.
L’Écosse ne s’efface pas néanmoins car l’auteur y retourne, ni la Castille, ni la Gascogne bien sûr, ni même Paris, ni aucun des personnages et des thèmes familiers aux lecteurs du journal.

Le royaume de Sobrarbe 2005
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Le royaume de Sobrarbe (2005)

« Cette promenade-là, toute mélangée de graves inquiétudes pour le châssis de la voiture, pour les pneumatiques (qu’en effet il va falloir changer, a-t-on découvert hier...), et à propos de l’heure qui tournait, d’un hôtel à trouver, du danger de s’enliser et de l’absence de tout secours à espérer si le besoin s’en manifestait, cette promenade-là était éminemment frustrante, comme toujours les plus belles promenades, qui sont des idées de promenade, des projets de promenade, des marches pour une autre fois. Je veux dire que je ne rêve que de la refaire, celle-là, et mieux, plus à loisir, au cours d’une de ces vies qui ne se présentent jamais où le temps qu’on a dans sa gibecière est aussi énorme que l’espace offert à la vue sur des hauteurs pareilles. L’archi-objet du désir est un village abandonné nommé Morcat, je crois bien, dont on aperçoit le clocher, une haute tour carrée, de toutes les contrées à la ronde. Isolé, perdu, très difficile à atteindre (au moins pour les voyageurs pressés), il est pourtant, lui, en position de chef d’orchestre du sublime – car si le sublime a un sens, en matière de paysage, c’est bien sur ces plateaux-là qu’il le rencontre, au sud de Boltaña, à l’ouest-sud-ouest d’Aínsa, près des sources du río Vero, dans l’ancien royaume de Sobrarbe. »

L'Isolation 2006
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L'Isolation (2006)

Pour ce journal 2006, le titre L'Isolation, qui a l'avantage d'une certaine amphibologie, l'a emporté sur Les Convertisseurs, qui sonne mal, et sur Pompes à chaleur, qui suggérait trop quelque petit ouvrage pornographique. Quoiqu'il en soit, les questions thermiques y tiennent une grande place. Les lecteurs familiers du journal sont de longue date habitués aux problèmes de chaudière, mais ceux-ci, cette fois, du fait des agissement de deux escrocs ne promettant Que du bonheur ! (un autre titre possible-impossible), prennent une importance obsessionnelle et quasi cauchemardesque : demeure glacée, défilé de corps de métier au chevet de la malade, prélèvements bancaires irrépressibles, faux et usages de faux, dérobades sans fin d'entrepreneurs élusifs, vains téléphonages jamais rendus, expertises et contre-expertises, esquisse d'un procès qui occupera beaucoup des années suivantes toute la lyre des fureurs et des impuissances coutumières aux malheureux « particuliers " entraînés dans des dépenses folles et des soucis vertigineux par les promesses d'économies prodiguées par des aigrefins (« Avec une bonne isolation, vos dépenses en énergie seront divisées par deux. Entre ça et les exonérations fiscales, c'est tout juste si vous n'allez pas gagner de l'argent en vous chauffant »).
Les voyages sont surtout français, cette année-là : Bourgogne, Velay, Poitou, Ile-de-France. Et la France, comme d'habitude, son patrimoine, son histoire, son actualité, sa culture et ce qu'il déplore comme sa déculturation, tiennent une grande place dans les préoccupations de l'auteur.

Une chance pour le temps 2007
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Une chance pour le temps (2007)

Une des exclamations favorites de ma mère, après les heureuses journées de voyage ou d’excursion dont elle vient d’énumérer les mérites et les plaisirs, c’est : « Et puis alors : une chance pour le temps ! »

Au nom de Vancouver 2008
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Au nom de Vancouver (2008)

Le volume du journal de Renaud Camus pour l’année 2008 doit son titre à un séjour que l’écrivain fit ce printemps-là à Vancouver, sur l’invitation de l’université de Colombie-Britannique. Il était alors obsédé, comme bien d’autres avant lui, par le titre du poème et du recueil du poète belge Marcel Thiry, Toi qui pâlis au nom de Vancouver : ces mots ne l’ont pas quitté pendant son séjour passé en grande partie enfermé, fiévreux, dans une chambre d’hôtel, avec, il est vrai, toute la ville à ses pieds à travers la large baie d’un étage élevé. 
L’année 2008 voit aussi un retour en Ecosse, sur les traces de Rannoch Moor et à la recherche de maisons d’écrivains et d’artistes qui feront la matière du deuxième volume britannique des Demeures de l’esprit, tandis qu’est préparé aussi, sur les chemins du Sud-Ouest, le deuxième volume français de la même série, contemporain du roman Loin. Cependant la vie suit son cours, avec les aléas familiers aux lecteurs du journal : histoires de tours qui menacent de s’effondrer, de débats idéologiques, de réflexions sur la langue et la culture, de hauts et bas du micro-parti politique dont l’auteur est président, l’In-nocence. On retrouve les figures coutumières, Pierre, la mère, le peintre Marcheschi, Alain Finkielkraut, la Société des Lecteurs et son forum, et encore et toujours la chaudière, le toit, la banque, les factures mais aussi la lumière, les paysages, les chemins, la phrase.

Krakmo 2009
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Kråkmo (2009)

En 2009, tandis que mourait subitement sa mère, Renaud Camus était en Norvège. Bien au-delà du Cercle polaire il y découvrait le mont Kråkmo, dont il prétend que c’est la plus belle montagne au monde : un fer à repasser art-déco – son nom donne son titre à ce volume.
L’auteur, comme d’habitude, écrit longuement dans son journal qu’il n’a pas le temps de tenir son journal. Son véritable sujet est le temps : ses manières, ses mœurs, ses malheurs, et d’abord ce manque que l’on a de lui et qui pourrait bien constituer sa matière. J’ai hâte, quelle bénédiction ! Cependant l’écart s’amoindrit dans la course entre les phrases et les années : 2009 en 2010, dirait-on.

Parti pris 2010
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Parti pris (2010)

Grâce aux éditions Fayard le journal de Renaud Camus a résorbé son retard, il ne paraît plus qu'avec quelques mois de décalage sur le moment de son écriture, il a rejoint l'actualité. Et l'actualité pour son auteur, en 2010 comme en 2011, c'est le parti pris d'être candidat à l’élection présidentielle de 2012, au nom du parti de l'In-nocence (la non-nocence), qu'il préside. Cela dit Renaud Camus candidat reste écrivain avant tout, ce dont témoignent non seulement la place de la culture et de l'éducation dans son programme mais la fidélité à une approche littéraire et presque littérale de l'existence, où la chose politique, malgré l'urgence qu'il lui voit, ne présente pas de solution de continuité avec la suite des jours, les conceptions du temps, les modes de résidence sur la terre et le rapport au sens.

Septembre absolu 2011
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Septembre absolu (2011)

Mercredi 21 septembre.  J'ai beau me saouler de travail et ne sortir pratiquement pas de cette bibliothèque, je bois à grandes lampées l'élixir de septembre, qui d'ailleurs n'est nulle part si enivrant qu'entre ces pans de livres. Les Pyrénées complaisantes, pour la première fois de la saison, sont apparues dans le soleil au-dessus de la canopée, comme en hiver.

Pourtant nous sommes encore en été, je crois bien. Le matin semblait le penser aussi, sans y tenir plus que cela. C'est cela, l'enchantement de septembre : il n'y tient pas. Creusé qu'il est du temps qui fut (weather aussi bien que time), il habite avec nonchalance le pays des morts.

Je regrette de m’être laissé influencer une ou deux fois déjà, jadis et naguère, par mon entourage qui a poussé les hauts cris à l'idée d'un volume de ce journal qui se serait appelé Septembre absolu.  C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Toute la journée s'est écoulée dans la splendeur discrète de ce mois détaché des choses, tranquillement revenu de tout, et qui n'en fait pas une affaire. Entré sans manières par les fenêtres, il prenait ses aises entre les rayonnages, dans les fauteuils, sur les tapis, jusqu'entre les dalles de notre carrelage décrié.

Nous vivons sans doute les dernières heures de l'absolutisme. C'est aussi ce qui le rend irrésistible.

Vue d'oeil 2012
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Vue d'œil (2012)

Vue d’œil, qui porte sur l’année 2012, conclut une série de dix-huit volumes du journal de Renaud Camus publiés aux éditions Fayard et couvrant la période s’étendant de 1994 à sa date de publication. L’année 2012 a dans la vie de l’auteur une coloration nettement politique, marquée qu’elle est par l’échec de sa candidature à l’élection présidentielle, par son appel très contesté à un ralliement de tous les adversaires de l’immigration de masse derrière la candidature de Marine Le Pen, par les poursuites du Mrap à son endroit à la suite de son discours de 2010 sur Le Grand Remplacement ou par son “Discours d’Orange”, prononcé à l’invitation de la Convention identitaire en novembre. Cette activité et les réactions qu’elle suscite ont de sérieuses répercussions sur la vie personnelle et professionnelle de l’écrivain, mais n’empêchent pas, à la campagne, le développement de la pratique photographique et picturale, ni surtout la production littéraire, pour une part transportée désormais sur la Toile.

NON 2013
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NON (2013)

Ce volume du journal de Renaud Camus pour l’année 2013, NON, est le premier qui soit publié par lui-même, en “auto-édition”, après huit autres parus aux éditions P.O.L (1986-1993) et dix-neuf aux éditions Fayard (1994-2012) — sans compter le Journal de Travers (1976-77, Fayard, 2007). Ce tome-ci est sans doute aussi le plus foisonnant, la règle de l’entrée quotidienne n’ayant subi cette fois aucune exception, et d’autant moins que chacune était mise en ligne dès le lendemain de sa rédaction, pour les abonnés de la version illustrée, sur la Toile.

Le titre fait référence principalement au mouvement fondé par Renaud Camus en septembre 2013, le NON, pour regrouper les Français et les Européens qui refusent ce qu’il appelle le Grand Remplacement, le changement de peuple et de civilisation. Mais comme d’habitude la chose publique est bien loin d’être le seul objet débattu entre ces pages, qui restent celles d’un journal intime, avec ses états du ciel et ses états d’âme, ses petites misères, ses marottes, ses curiosités et ses exaltations diverses. Si tant est que l’auteur soit bien un homme politique — ce qui reste à débattre, d’évidence — il n’oublie pas qu’après un long détour la “charge du réel”, selon ses propres dires, revient à la littérature.

Morcat 2014
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Morcat (2014)

Morcat est un village abandonné du royaume de Sobrarbe, sur un plateau désert, au milieu d’un cercle énorme de montagnes. On ne l’atteint plus qu’à pied, par des chemins défoncés. À moins que la Providence ou le Sort aient plus d’humour qu’on ne le croit, c’est pure coïncidence si le royaume de Sobrarbe, traditionnellement, passe pour le point de départ de la Reconquista.

Ah, et Morcat, donc, est le journal de lécrivaindextrêmedroiteRenaudCamus pour l’année 2014.

La Tour 2015
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La Tour (2015)

L’auteur fut très occupé de sa tour, cette année-là. Et ce n’est pas fini.

Insoumission 2016
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Insoumission (2016)

Le titre de ce livre est évidemment une référence au roman de Michel Houellebecq, Soumission : c’est-à-dire, selon une traduction parfois contestée, Islam. Soumission est le récit fictif (pour le moment) du consentement, de la part de la France et de ses élites, à la religion du Prophète et à la civilisation qu’elle apporte avec elle. Insoumission est, pour l’année 2016, le journal quotidien d’un homme, Renaud Camus, qui se bat pour ainsi dire seul, pratiquement sans moyens, sans prédispositions particulières et, à première vue, sans grand succès, pour tâcher d’éviter les même choses, précisément — le changement de peuple, la submersion ethnique, la substitution culturelle —, à son pays et à lui-même. Sa vie, néanmoins, ces pages en témoignent, est loin de se limiter à cette préoccupation essentielle.

Au moment où paraît ce volume, le trentième de son journal, Renaud Camus est candidat à l’élection présidentielle d’avril 2017 en France — ou plutôt, bien entendu, candidat à la candidature.

Juste avant après 2017
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Juste avant après (2017)

Après ce sera sans doute très déplaisant, mais cela ne relèvera plus de la politique. La politique, c’est fini. Les deux camps sont d’accord là-dessus. L’un ne jure plus que par l’économie, l’autre n’entrevoit que l’histoire.

L'Étai 2018
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L'Étai (2018)

Plieux, jeudi 12 avril 2018, une heure et demie du matin. Avec le chien Le Coz qui aboie toutes les cinq minutes, il n’est pas question d’essayer de faire une sieste, ici, crainte d’en être tiré au premier sommeil, de la façon la plus désagréable, par ces éclats insupportables. J’étais tellement fatigué cette après-midi que j’ai dormi près de la rivière, dans l’herbe, sous un arbre, à l’angle d’un champ. Quand je me suis réveillé tout était magnifique, lumineux et sombre, fantomatique, spectral, otherworldly. J’étais tellement désorienté qu’il m’a fallu plusieurs minutes pour décider si un parfait disque blanc, bien distinct à travers de diaphanes nuages, était la lune ou le soleil…
À mesure que s’effondre davantage le monde que j’ai aimé, plus beaux m’en apparaissent les ultimes vestiges : les ciels, les arbres, les visages, la grammaire, la politesse, les chiens, un cerisier en fleur dans un taillis encore sans feuilles, la poésie de Paul-Jean Toulet, un geste de délicatesse et de bonté.

La Ligne claire 2019
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La Ligne claire (2019)

La Ligne claire était le nom de la liste que mena Renaud Camus aux Élections européennes de mai 2019. Elle s’est écrasée sur le sable à la dernière minute, on ne peut pas dire que ce fut un succès. Mais ici, du moins, tout est bien clair.

Âme qui vive 2020
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Âme qui vive (2020)

Depuis que ce journal paraît à mesure qu'il est écrit, il faut donner à chaque volume un titre au début de l'année qu'il relate, alors qu'on ne sait rien de ce qu'elle sera. L'auteur avait nommé ce tome Âme qui vive, en janvier 2020, tout à fait à l’aveugle. Ce n'était pas si mal trouvé. 2020, avec ses deux confinements, fut une année de silence et d'absence, autant dire d’âme. Tels ne furent pas les moindres mérites du coronavirus, qu’on peut bien reconnaître quand on a beaucoup souffert de lui.

Il a un peu nettoyé les rivières, remis les dauphins dans les baies, légèrement déplastifié les océans, cassé le tourisme de masse, porté à l’économie des coups fatals. Les morts et les demi-morts ont peut-être le droit de s’en frotter les mains.

Le Choléra 2021
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Le Choléra (2021)

À ce Camus-ci, auquel on a demandé toute sa vie comme l’écrivain ?, la pandémie était l’occasion, en 2021, d’offrir à La Peste un pendant de cheminée : Le Choléra. Bien entendu ce n’est qu’affaire de titres — encore que, ici et là, et toutes proportions gardées, il y ait amphibologie : peste ni choléra ne sont seulement des maladies, elles sont aussi le totalitarisme, la censure, la répression, l’éradication de la liberté d’expression, le silence imposé par tous les moyens de la bassesse sur l’effacement d’un peuple.

Betharam 2022
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Bétharram (2022)

En 2022 l’auteur croit changer d’horizon et retourner au pays de ses aïeux, l’Auvergne. Au lieu de quoi il change de père, grâce à la science, et donc de pays de ses aïeux. Il se croyait auvergnat, le voici béarnais (ah, c’était donc ça, Toulet ?). Exit Ambert, voici Bétharram — dans ces conditions, et Sud-Ouest pour Sud-Ouest, autant rester en Gascogne, puisqu’on y voit les Pyrénées de la fenêtre.

Les Français, pendant ce temps, renouvellent leur adhésion à l’idée d’être grand-remplacés. Et justement, cancer.

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Cancer (2023)

Cancer : arc, ancre, encre, anse, race, cran, nacre, rance, Rance, Rancé, créance, quand serre, qu’enserre, récent, Ranc (c’est Ranc, peintre invité à la Cour d’Espagne, qui provoqua par inadvertance, en 1734, l’incendie du palais royal de Madrid, dans lesquels disparurent des centaines de Rubens, de Titiens, de Velazquez…), canter, qu’enterre, Nasser, Ceyrat, Céran, Ceyrac (ancien président du CNPF), Sernhac, concert, cancel (culture), Diane Cancel (Char), cancre, etc.

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